Sommaire - Le Santerre - Généralités - Étymologie

Les hypothèses

Beaucoup d'hypothèses voire même affirmations circulent sur l'étymologie du mot Santerre. Ainsi on trouve notamment :

Les écrits

On a vu que le mot Santerre était présent sous sa forme latine Sana Terra dans un texte datant du 8 septembre de l'an 883. Ce texte est présenté dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin publié par M. Guérard. Ce cartulaire est notamment disponible en ligne sous formde de fichier PDF sur le site Internet Gallica de la BNF (document PDF pages 234 à 236 équivalent aux pages 127 à 129 de l'ouvrage). Voici la transcription du texte qui nous intéresse :

L X.

traditio rodini.

« Domino sancto et venerabili patri Rodulfo, abbati de monasterio sancti Petri sanctorumque confessorum Christi Audomari atque Bertini, ego, in Dei nomine, Rodinus traditor atque precator. Trado itaque res proprietatis meæ ad præscriptum monasterium, in pago Pontivo, super fluvium Alteiæ, in villa quæ dicitur Remmia : ecclesiam unam, et mansum indominicatum cum castitiis, et, inter ipsum mansum ac terram arabilem vel pratum sive silvam, mansa viiii ; itemque, in Cathriu, in eodem pago, cum manso indominicato, mansa vii ; itemque, in pago Ambianensi, in Sana Terra, in loco qui vocatur Rosierias, mansum cum castitiis, una cum ipsorum locorum communiis, perviis legitimis, wadriscapis ; et mancipia xx, his nominibus : Anastasium, cum uxore sua et infantibus illorum VI; Adalrada cum infantibus duobus; Gerlandum, Haldolfum, Folcombertum, Theodradum, Rodbertum, Restaldum, Civiredam, Rainildam, Anstrudam. Et hæc omnia, ut supra dictum est, ad monasterium jam dictum trado legaliter atque transfirmo perpetuo possidenda, ea ratione ut, tam ipsas res quas trado, quam et ipsas quas expeto ecclesiæ vestræ in precariam, pro beneficio vestro accipiam, ego videlicet et conjunx mea Ava, filiique nostri et filiæ, hoc sunt : in pago Ambianensi, in Sana Terra, quæ dicitur Rustica villa, et Roserias, mansum indominicatum, et, inter ipsum mansum et terram arabilem vel pratum, mansa xii ; in Centla, mansum I ; in Hunduncurth, mansum indominicatum et mansa x ; item, in pago Kamaracensi, in Finis, mansa iiii ; et mancipia hæc : Odober, Folcardum et uxorem suam Odernam, cum infantibus suis ; Gerbertum, Abbonellum, Rudoricum, Sigerum, Rikardum, Bakalerum, cum tribus reliquis. Pro ipso quoque usufructuario, annis singulis, nonis septembris, ego et conjux mea solidos persolvamus v ; post nostrum vero obitum, filii nostri solidos vi persolvant. Sed post nostrum omnium obitum, ambæ res superius nominatæ, cum omni melioratione et superpositione, ad opus fratrum in eodem monasterio Domino famulantium, absque ullius contrarietate, recipiantur, quibus et census persolvit. Si qui etiam, quod futuris testamur, si nos ipsi aut illius de heredibus vel proheredibus nostris, seu quelibet extranea persona, huic nostræ traditioni contraire aut infringere temptaverit, auri libras xii, argenti pondera xxx, coactus exolvat, et quod repetit non evindicet ; sed hæc traditio, cum precaria sua, firma permaneat, cum stipulatione subnixa.

Actum in monasterio Sithiu, in ecclesia sancti Petri, anno I. Karoli magni imperatoris, vi. idus septembris.

Signum Rodini, qui hanc traditionem, cum precaria, firmavit.

Signum Albrigi. Signum Vudaharii. Signum Anselmi. Signum Guntardi. Signum Odgrini, advocati. Slgnum Thiodradi, scavini. Signum Adalwini.

Grimbaldus, sacerdos et monachus, scripsi et subscripsi. »

 

D'autres ouvrages nous fournissent des informations sur l'ancienneté du Santerre et son étymologie. C'est le cas de l'Annuaire historique pour l'année 1861 publié par la Société de l'Histoire de France et disponible en ligne sur le site Internet Google Books (document PDF pages 109 à 110 équivalent aux pages 268 à 269 de l'ouvrage). Voici la transcription du texte qui nous intéresse :

Un passage de Fortunat1 fixe positivement in Veromandensi territorio le lieu de naissance de saint Médard, c'est-à-dire la villa Sellentiacus (Salency), qui faisait essentiellement partie du Noyonnois. D'autres localités du même territoire, dépendant de la regio Noviomagensis, sont aussi fréquemment indiquées dans le Vermandois. Quoique confondue dans l'évêché Vermando-Noyonnois, elle n'en conserva pas moins son nom particulier : elle formait, au viie siècle, un petit comté différent du comitatus Viromandensis2. Ces deux pagi sont encore distincts en 662 et en 7083 et dans le partage des Missatica du Capitulaire de Charles le Chauve en 853, on voit groupées dans un même Missaticum les contrées suivantes : in Noviomiso, Vermendiso, Adertiso, Curtriciso. Flandrâ, etc4. Plusieurs siècles plus tard (au XVe), le Noyonnois fut détaché de la Picardie pour être incorporé au gouvernement de l'Ile de France.

La portion occidentale de ce diocèse s'étendait sur une région naturelle qui est indiquée par un nom particulier dans les textes, et qui s'est aussi conservée dans la topographie territoriale des anciennes provinces. Le Santerre, désigné par les différents noms de Sana-Terra, Sangters, Sancters, Santeriensis pagus (1300), Santois (Monstrelet), Sanguis-Tersu, etc., constitue à l'ouest et au sud de la Somme un vaste et fertile plateau, beaucoup plus étendu que le Noyonnois, et partagé entre les trois diocèses de Noyon à l'est et au nord, de Beauvais an sud et d'Amiens à l'ouest. Cette contrée de la Picardie moyenne, dont la largeur était environ de dix lieues de l'E. à l'O., et la longueur de quinze à vingt du N. au S., était divisée en haut et bas Santerre. Péronne était le chef-lieu du premier, Montdidier du second. Elle était bornée à l'E. par le Vermandois, au N. par l'Artois, à l'O. par l'Amienois , au S. par le Beauvoisis et l'Ile de France. La partie dépendante du Vermandois contenait en totalité ou en partie les Doyennés de Péronne, de Curchy et de Nesles.

Mais il n'est pas douteux que cette portion du Santerre était tellement incorporée au Vermandois, que les lieux le plus certainement placés dans ses limites sont fréquemment indiqués dans les textes comme étant in Vermandensi solo, ou in Viromandiâ. Il en est ainsi, dès le viie siècle, de Péronne même, sa capitale5, et de Nesles. Deux des derniers -villages à l'extrémité nord occidentale du diocèse de Noyon, dans le Doyenné de Curchy, situé, en grande partie dans le Santerre, sont Vermandovillers et Marcheterre. Leurs noms indiquent évidemment la frontière de la Civitas des Veromandui, du côté des Ambiani, et montrent la plus complète coïncidence avec les limites du diocèse lui-même. Il en est de même du lieu de Fins, sur les frontières au nord, dans le Doyenné de Péronne.

On ne fait pas ordinairement remonter plus haut que Philippe Auguste la plus ancienne mention du pays de Santerre, le Sancteriense solum de la Philippide de Guillaume le Breton, composée dans la première moitié du XIIe siècle. C'est une erreur : dès l'année 1066-1067, ce territoire figure comme comté au même rang que les comtés de Noyonnois, de Vermandois et d'Amienois. On lit en effet, dans une charte du roi Philippe Ier, en faveur de l'abbaye de Saint-Médard6.

« Mercatores quatuor comitatuum scilicet Noviomensis, Viromandensis, Ambianensis, Santers. »

Cette mention n'est même pas la plus ancienne, On en trouve une autre, non moins précise, dans une charte de l'a. 883, qui fait partie du Cartulaire de Saint-Bertin, publié par M. Guérard, p. 128 :

« In pago Ambianensi in Sanâ Terrâ, in loco qui vocatur Rosierias »

Cette désignation, répétée deux fois dans la même charte, indique, sans le moindre doute, dès le IXe siècle, la partie de la région du Santerre qui dépendait du diocèse d'Amiens, et le village de Rosières qui est, en effet, situé dans l'arrondissement de Montdidier7.

Il est évident que l'existence et la désignation de ce territoire sont encore plus anciennes, puisque ces textes n'en constatent point l'origine. On pourrait donc le faire remonter beaucoup plus loin, et le considérer comme un territoire partagé dès l'origine du christianisme entre les trois évêchés limitrophes, ainsi qu'il l'avait été, sans doute à cause de sa grande fertilité, entre les trois peuples gaulois, les Veromandenses, les Ambiani et les Bellovaci, dont César a plusieurs fois mentionné les grandes récoltes de céréales. Mais ce serait une pure hypothèse, puisque jusqu'ici le pagus Sana Terra n'est mentionné dans aucun titre de l'époque mérovingienne. Cependant, si M. Guérard eût porté son attention sur ce passage, il aurait sans doute compris le Santerre au nombre des subdivisions de la Civitas Veromandensis, ou de la Civitas Ambianensis, puisque la période carlovingienne entrait dans son cadre.

 

1. Vit. S. Medardi , c. 1. in Spicileg., éd. in-f°, p. 69 ; et Bolland. Vit. S. S. die 8 junii.

2. Vit. S. Eligii ab Audoeno, l. II, c. 65. in Spicileg éd. in-f° t. II. p. 120. Amalberto, viro illustri, comiti scilicet Noviomagensi.

3. Cartul de S. Bertin, in-4. 1840, P. 21 et 40.

4. D. Bouquet, t. VI, p. 616. — Baluze, Capitul. t. II, col. 68.

5. In Perona monasterio, sito in oppido Veromanduorum (a. 669), vit. S. Rictrudis). — Peronam pagum Veromanduorum (vit. S. Amati); ap. Duchesne, Hist. franc. Scr.; t. I, p. 678. — Ad Perronam quæ est urbs regia in pago Viromanduorum, a. 664 (sous le maire du palais Ébroin). Mabill De re dipl., p 311. — Ad Peronnam oppidum Veromandense. — Plusieurs localités des environs de Péronne et de Nesle sont aussi indiquées in pago Viromandensi, dans une charte de la fin du Xe siècle. (Mab. Annal. Bened. t. III. p. 719.) — Au XIIIe siècle, on disait : Piéronne en Vermandois (Aug. Thierry, Monum., de l'hist. du Tiers Etat ; — région du Nord, t. I, p. 178).

6. Mabillon, De re diplom., p. 585.

7. La Chronique de S. Bertin par Iperius (c. 19, pars. I), mentionne ainsi le même fait : « .... in Sanâ terrâ, quæ hodie dicitur Sanguis-tersus, vulgariter Saincters.... » (Nov. thes. anecd., t.III, p. 530.)

 

En conslusion

Aucune hypothèse évidente ne sort vainqueur. Toutefois, la question a été travaillée dans le passé. Ainsi, François-Irénée Darsy a publié en 1900 une petit fascicule de 9 pages intitulé Le Santerre : étymologie de ce nom. Cet ouvrage est en consultation libre  : Le Santerre : étymologie de ce nom.

Il s'agit d'une nouvelle hypothèse intéressante, que l'on ne peut invalider. Mais la question reste entière.